10/04/2025 francesoir.fr  10min #274485

Macron, l'architecte bancal de la Méditerranée, un château de sable géopolitique ?

Xavier Azalbert, France-Soir

Macron, l'architecte bancal de la Méditerranée, un château de sable géopolitique ?

Résumé : Macron, roi déchu à 4 % d'approbation, fuit son trône en ruines pour jouer les stratèges en Méditerranée, un échiquier trop vaste pour ses billes. Avec l'Égypte comme pion, il ressuscite l'UpM en « Union pour Moi », un mirage pour vendre des Rafale et des métros tout en se posant en pacificateur via la reconnaissance palestinienne. Mais entre ses échecs en Ukraine, l'humiliation face à Trump, et l'aveuglement devant les BRICS, ce château de sable géopolitique s'effondre sous le regard sévère de De Gaulle, qui n'aurait vu qu'un apprenti sans grandeur.

Roi déchu à domicile avec une fuite vers l'international ou un trône en ruines pour l'exil du roi nu

Emmanuel Macron, autrefois encensé comme le prodige d'En Marche, n'est plus qu'un monarque en exil intérieur :  seuls 4 % des Français estiment qu'il mène le pays dans la bonne direction. Ses réformes – retraites rognées, chômage fragilisé – ont mué l'enthousiasme en rancœur, tandis que les Gilets jaunes, l'inflation et une gouvernance perçue comme arrogante, ont pulvérisé sa légitimité.

À l'Élysée, c'est la déroute : Alexis Kohler, son éminence grise, a disparu en 2024, rattrapé par l'affaire MSC, un parfum de favoritisme qui colle aux basques du pouvoir. Les ministres, déconnectés, enchaînent les faux pas : François Bayrou, propulsé Premier ministre en décembre 2024, promettait une rigueur « douce », mais un déficit à 6 % du PIB en 2025 a vite démasqué ses illusions.

Ce naufrage domestique pousse Macron à s'échapper vers l'international, où il espère encore jouer les grands stratèges. Talleyrand, avec son cynisme affûté, l'aurait raillé : « Ils ont appris à parler avant de savoir penser » (attribué dans ses mémoires), une flèche qui vise juste cette élite en perdition.

L'Égypte, pivot d'un grand dessein avec une stabilisation pour briller, ou pion d'un joueur désespéré qui met la paix en vitrine

Face à ce rejet national, Macron se réinvente en architecte du Moyen-Orient, plaçant l'Égypte d'Al-Sissi au cœur de son échiquier. Lors de sa visite au Caire en avril 2025, il vante une « coopération renforcée », telle une vieille formule française, mêlant ventes d'armes (Rafale, sous-marins Mistral) et promesses de stabilité régionale. L'Égypte, avec son canal de Suez (12 % du commerce mondial, malgré 7 milliards de pertes en 2024, dues aux Houthis), son rôle de médiateur à Gaza et ses gisements gaziers en Méditerranée orientale, est un levier idéal. Mais derrière les discours, un projet plus vaste se dessine : une reformation de l'Union pour la Méditerranée (UpM), où l'Égypte jouerait les arbitres entre Israël et les pays arabes.

En annonçant, le 9 avril 2025, une possible reconnaissance de l'État palestinien en juin lors d'une conférence co-présidée avec l'Arabie saoudite, Macron s'aimerait en pacificateur avec comme objectif de stabiliser la région pour asseoir son influence.

Lord Palmerston, père de la realpolitik, l'aurait ramené à la raison : « Nous n'avons pas d'alliés éternels, et nous n'avons pas d'ennemis perpétuels. Nos intérêts sont éternels et perpétuels » (discours à la Chambre des communes, 1848), un rappel que Macron sert d'abord les siens. Ce qui est aussi perçu par les Français : selon le sondage France-Soir/BonSens.org de mars 2025, 53 % estiment que Macron utilise les conflits internationaux pour d'autres motifs que la paix.

Ukraine et Trump, revers d'un illusionniste sur la scène mondiale, ou bluff d'un apprenti dans le grand jeu

Macron a cru pouvoir s'imposer sur l'Ukraine, menaçant Poutine en 2024 d'une intervention européenne. Le résultat ? Un échec cuisant, incarné par la bravade de Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, en mars 2025 : « Nous ferons plier Poutine par la force de notre détermination », alors que les stratèges russes l'écoutaient parler avec ses mots en guise de hochet, leurs drones pleuvant sur Kyiv.

Face à Trump, réélu en 2024 et armé du soutien populaire et de tarifs douaniers, Macron et Bayrou ont tenté de jouer les durs, promettant des « représailles européennes » en février 2025, avant de plier devant le mépris du président américain. Ces déconvenues – incapable de peser sur l'Ukraine, humilié par Washington – expliquent son virage vers le Moyen-Orient.

La reconnaissance d'un État palestinien, présentée comme un « pas juste » sur France 5 ce 9 avril 2025, est une diversion pour masquer ces revers et redorer son blason. Machiavel, dans Le Prince, l'aurait admonesté : « Il faut qu'un prince qui veut se maintenir apprenne à ne pas être bon » (chapitre XV, 1513), une leçon que Macron esquive en préférant les effets d'annonce, un illusionnisme qui ne prend pas.

Un Pacte méditerranéen pour l'Élysée, ambition française ou mirage collectif, ou UpM - Union pour Moi : un empire de pacotille

L'UpM, née en 2008 sous Sarkozy, était un rêve avorté, miné par les rivalités régionales. Macron, maître du recyclage – En Marche reprenait Juppé, Renaissance singeait Hollande –, la ressuscite sous une « UpM : Union pour Moi », un titre qui trahit son ambition personnelle sous une façade collective. Ce projet viserait à stabiliser la région via l'Égypte, tout en propulsant les entreprises françaises : contrats d'armement (Dassault, Naval Group), infrastructures (métros d'Alstom, technologies de Thales), et énergie (TotalEnergies lorgne les gisements égyptiens).

La conférence de juin 2025, où Macron espère finaliser une « reconnaissance réciproque » entre Palestine et Israël, serait la vitrine de cette Union pour Moi, avec l'Égypte comme médiatrice.

Mais les obstacles abondent : Benjamin Netanyahu rejette la solution à deux États, et des pays arabes hésitent à reconnaître Israël. Montesquieu, dans De l'esprit des lois, avertissait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » (Livre I, chapitre III, 1748) – une prophétie ? Ce projet s'effondrera-t-il sous son propre poids ?

Israël et Palestine, arbitrage sous haute tension pour une paix fragile, ou équilibriste des sables mouvants au bord du gouffre

L'édito «  Le piège de l'antisémitisme » illustre comment Macron manipule des causes comme l'antisémitisme pour détourner l'attention de ses échecs internes. Son annonce sur la Palestine illustre ce reproche : après un soutien ferme à Israël post-7 octobre 2023, il appelle en 2024 à cesser les livraisons d'armes à Gaza, avant de rétropédaler face à Netanyahu.

Il a déclaré hier sur France 5 vouloir reconnaître un État palestinien « parce que ce sera juste », tout en insistant sur la reconnaissance d'Israël par les pays arabes. Cette posture, saluée par Varsen Aghabekian Shahin ministre palestinienne des Affaires étrangères comme « un pas dans la bonne direction », suscite des réactions contrastées : sur X, Céline Pina dénonce une «  légitimation du terrorisme », tandis que Kevin Bossuet y voit une «  trahison d'Israël » – les réactions s'apparentent à un règlement de comptes puéril, ni à la hauteur de l'histoire, ni à celle du respect des valeurs et droits humains.

En plaçant l'Égypte comme médiatrice, Macron espère apaiser ces tensions, mais son grand écart risque de froisser tout le monde. Hannah Arendt, dans La condition de l'homme moderne, notait : « Le pouvoir naît entre les hommes quand ils agissent ensemble et disparaît dès qu'ils se dispersent », une vérité que Macron ignore en jouant solo.

Un Nabucco revisité, rêve énergétique hors d'atteinte pour contourner la Russie, ou gaz des illusions perdues dans un désert géopolitique ?

Le projet Nabucco, un gazoduc censé relier l'Asie centrale à l'Europe via la Turquie, promettait de contourner la Russie mais s'est écroulé en 2013, victime de coûts prohibitifs et de querelles géopolitiques. Tel un stratège en herbe, Macron pourrait fantasmer un « Nabucco revisité » pour alimenter l'Europe en gaz méditerranéen (Égypte, Israël), défiant la dépendance russe au moment où Poutine serre la vis énergétique. Mais la Turquie, maillon clé du tracé originel, peut-elle être un allié fiable ? Rejetée sans cesse par l'UE – encore en 2023, son adhésion reste un mirage – Ankara joue sa propre partition, défiant l'Égypte sur les gisements gaziers et flirtant avec Moscou quand ça l'arrange. Comment faire confiance à un partenaire que l'on snobe depuis des décennies ? L'Iran, autre pièce du Nabucco initial, est difficile à mettre en jeu : l'embargo américain, renforcé sous Trump, a coûté cher à la France – BNP Paribas a écopé d'une amende de 8,9 milliards de dollars en 2014 pour avoir violé ces sanctions, un camouflet qui hante encore Paris.

À cela s'ajoute la faillite stratégique des sherpas de Macron. Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères jusqu'en 2024, technocrate sans envergure géopolitique, a brillé par son absence de vision, se contentant de suivre les lignes atlantistes et bruxelloises. Son successeur, Jean-Noël Barrot, n'a pas fait mieux : un autre énarque hors sol, dont la bravade de mars 2025 – « Nous ferons plier Poutine » – a résonné comme un pétard mouillé face aux frappes russes. Ces novices, dénués d'expérience, ont laissé Macron seul face à un échiquier trop grand pour lui. Cette « UpM version « Union pour Moi » vise à former des alliances bancales – l'Égypte, l'Arabie saoudite – pour contrer Poutine d'un côté et défier Trump de l'autre, avec ses tarifs douaniers menaçants.

Mais il oublie les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), cette coalition montante qu'il n'a jamais su prendre au sérieux. La Chine, par exemple, a investi 1,5 milliard de dollars dans le port d'Alexandrie en 2024, la Russie soutient Al-Sissi, et l'Inde lorgne les routes commerciales : l'UpM serait-elle une tentative naïve de s'opposer à ce bloc, quand Macron joue aux billes pendant que les autres déplacent des tours ?

Sun Tzu, dans L'art de la guerre, conseillait : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même, et tu ne seras pas en danger dans cent batailles » (chapitre III, vers 500 av. J.-C.), une sagesse que Macron ignore, pion égaré sur un plateau alors que les BRICS ont déjà redessiné les règles.

Les ombres du grand jeu avec Russie, Chine et Turquie, ou oubliés qui condamnent un projet bancal

Macron omet les joueurs qui pourraient saboter son plan. La Russie, active en Syrie et en Libye, fournit des armes à Al-Sissi et convoite le gaz méditerranéen, défiant l'influence française. La Chine, avec sa Belt and Road Initiative, investit dans les ports égyptiens (Alexandrie, Port-Saïd), menaçant de supplanter Paris.

La Turquie, en querelle avec l'Égypte sur les gisements gaziers, joue sa propre partition en Méditerranée orientale. Ces puissances, absentes du discours macronien, sont des écueils majeurs pour son pacte. En misant sur l'Égypte et une UpM relookée, Macron sous-estime ces rivaux, croyant pouvoir imposer sa vision par la seule force de ses annonces.

Un mirage sous le regard de De Gaulle

Après En Marche dans le mur et une Renaissance en soins palliatifs, Macron mise sur une « UpM : Union pour Moi » pour fuir ses échecs : Kohler parti, Bayrou menteur, Ukraine bafouée, Trump moqueur. L'Égypte, arbitre d'une région instable, est son tremplin pour promouvoir les fleurons français – armement, énergie, métros – tout en se posant en pacificateur via la reconnaissance palestinienne. Mais, ce projet, comme Nabucco jadis, risque de s'effondrer sous les tensions géopolitiques et son manque de crédibilité.

L'édito «  Gaullisme en toc » fustige un Macron qui imite De Gaulle sans sa stature ; le Général aurait vu dans cette UpM relookée une soumission aux États-Unis ainsi qu'un abandon de la souveraineté et un renoncement à la grandeur française. L'édito «  Le piège de l'antisémitisme » ajoute qu'il divise pour régner, un piège que De Gaulle, attaché à l'unité nationale, aurait méprisé.

De Gaulle, dans ses Mémoires de guerre, proclamait : « La France ne peut être la France sans la grandeur » (tome I, L'Appel, 1954), une grandeur que Macron enterre sous ses fanfares creuses, sifflé par l'Histoire. Et c'est bien à ce titre que l'édito prémonitoire «  Dessine-moi un président qui ne se fait pas siffler au Stade de France » avait vu juste.

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